L'AUTO JOURNAL :L'Essai d'une 2cv A de 1954
AUTO-JOURNAL ; SEPTEMBRE 1954
Cet article fut edité quelques semaines avant le Salon de Paris où fut presentée la 2cv AZ 425cc.
A la demande de nombreux lecteurs de « L’auto Journal », nous avons procédé à un nouvel essai de la 2cv Citroën. Si cette voiture a aujourd’hui perdu la plus grande partie de l’auréole de mystère dont elle se paraît il y a quelques années, elle demeure toujours autant désirée par bon nombre d’usagers. En effet la demande semble progresser en fonction de l’augmentation de sa production et ses délais de livraison demeurent toujours aussi longs quoique peut être moins mystérieux.
Il nous paraît presque inutile de préciser que nous n’avons pas disposé d’une voiture d’usine.
GROUPE MOTO-PROPULSEUR
Nous avons déjà dit que la 2cv Citroën fourmillait de solutions techniques modernes et cette constatation ne peut encore être démentie aujourd’hui bien que les années aient passé. Citons en vrac les 2 cylindres à plat, refroidis par air, les soupapes en V, le rapport alésage course égal à l’unité, le radiateur d’huile ainsi que les freins avant sortis des roues et accolés au différentiel. La 2cv Citroën a été conçue avant tout pour accomplir, avec un entretien minimum, un kilométrage exceptionnellement long. A parler franchement le but a été indiscutablement atteint et aucune voiture française ne peut rivaliser avec elle en ce qui concerne la robustesse générale. Le tour d’Afrique accompli dernièrement dans des conditions particulièrement pénibles par une équipe de « L’auto Journal » a d’ailleurs démontré l’étonnante résistance de cette mécanique, la plupart des avaries constatées ayant intéressé les diverses attaches moteur et suspension soumises a rude épreuve, puisqu’il s’agissait non pas de suivre des pistes mais bien souvent de les tracer.
Comme bon nombre d’automobilistes français, nous avons souvent tempêté contre l’inévitable 2cv que l’on trouve accrochée au flanc d’une côte ou derrière un camion, haletante et gênant la circulation. Momentanément placé au volant de l’une d’entre elles, nous en sommes assez rapidement arrivés à la navrante constatation que sur une route nationale à grande circulation, il est à peu prés impossible de ne pas gêner plus ou moins les autres automobilistes et de ne pas subir les manifestations de leur ressentiment. Comme, par ailleurs, certains conducteurs de camions paraissent prendre un malin plaisir à accélérer jusqu’aux alentours de 65 Km/h, lors qu’une 2cv tente de les doubler à 66 Km/h, on comprendra qu’il n’est pas toujours agréable de se voir emporté dans le tourbillon de la circulation estivale au volant de l’un de ces modestes engins.
Il ne faudrait cependant pas conclure que nous honnissons cette voiture : nous trouvons simplement qu’elle est mal adaptée aux longs parcours alors que son emploi sur le terrain qui est sien, c’est à dire sur des routes secondaires, ou mieux encore sur des chemins de campagne, la transforme en une voiture très agréable qui affirme son caractère essentiellement rural.
En bref, une 2cv ne satisfera jamais un amateur de vitesse et de nervosité, mais nous croyons utile de préciser, une fois encore, que l’on aurait tort de ne pas exploiter totalement les faibles possibilités de la voiture en la limitant à une quelconque vitesse de croisière. Le constructeur a très judicieusement indiqué sur le compteur de vitesse la limite pratique de chaque rapport intermédiaire et la seule manière logique de conduire cette voiture est de garder obstinément le pied sur l’accélérateur. La consommation ne pourra jamais excéder sensiblement 4,5 litres aux 100 kilomètres et aucune usure anormale n’apparaitra au sein de la mécanique. Cette recommandation prend évidemment une importance particulière en montagne où la voiture s’essouffle très vite mais supporte parfaitement de longues périodes à des régimes voisins du maximum.
Si nous voulons dire un mot de la souplesse, notons qu’elle est relative et qu’en ville la première et la seconde manifestent trop souvent une tendance à hoqueter, que la présence d’un embrayage assez raide ne vient pas tempérer. Par ailleurs cette voiture peur être indiscutablement qualifiée de bruyante.
La boite de vitesse de la 2cv est l’une des mieux synchronisée que nous connaissons et peut supporter la comparaison avec les meilleures réalisations étrangères. Il convient d’être reconnaissant à Citroën d’offrir un ensemble d’un maniement aussi agréable sur une voiture essentiellement utilitaire. Cette caractéristique est encore plus importante du fait de la fréquence des manœuvres que l’on est amené à opérer en vue d’exploiter rationnellement les possibilités du moteur. Quant aux freins, ils permettent de conserver le contrôle de la voiture en toutes circonstances mais il convient d’en user sans brutalité. Il est quelquefois possible en effet de faire toucher le sol a l’avant de la voiture dans un coup de frein brutal, étant donné la grande souplesse de la suspension.
TENUE DE ROUTE ET SUSPENSION
Bien que la caisse s’incline souvent en virage d’une manière effarante, la tenue de route de la 2cv est très satisfaisante. Une descente de col permet bien souvent de rattraper et de doubler irrésistiblement des voitures plus puissantes fugitivement aperçues au cours de l’ascension. Par ailleurs les mauvais revêtements, glissants ou cahoteux, la boue ou la neige, permettent à la 2cv de faire montre de qualités routières que pourraient lui envier nombre de ses consœurs.
Les qualités de la suspension de la 2cv sont en passe de devenir proverbiales. La voiture peut en effet pouvoir évoluer sur des surfaces où, il y a quelques années, se risquaient seuls des véhicules tous terrains. Nous avons moins apprécié une tendance au tangage sur route ondulée qui n’est pas sans affecter les passagers dont l’estomac réclame avant tout une situation stable.
Nous avons souvent constaté – et nous croyons ne pas être les seuls – que beaucoup de 2cv Citroën se refusaient obstinément à tenir leur droite. Si nous écartons la vitesse modérée de la voiture qui pousse souvent les conducteurs à négliger de contrôler avec précision la ligne de leur cheminement, il reste que la direction de la 2cv est très sensible au bombé de la route. Il devient à la longue assez fatigant de retenir la voiture ! On gagne alors involontairement le centre de la chaussée afin d’échapper à cette incessante sollicitation. Une transmission très simplifiée occasionne d’autre part des réactions très désagréables en virage serrés, principalement en première et en seconde, en accélération. Enfin le rayon de braquage pourrait être plus réduit et le volant est placé trop à plat et bien loin du conducteur.
CARROSSERIE ET HABITABILITÉ
Après avoir fait frémir les automobilistes français et même européens, les lignes de la 2cv Citroën ne s’attirent plus maintenant que des haussements d’épaules résignés. Faite à l’image d’une doctrine, la 2cv se présente en toute austérité. Quant à la finition, nous n’en parlerons guère sinon pour souligner combien la résistance de la capote laisse à désirer par rapport à celle de l’ensemble de la voiture.
L’habitabilité n’est guère critiquable. Lees 2 banquettes permettent à quatre occupants de voyager bien confortablement bien qu’à l’arrière la garde au toit soit un peu faible.. Les sièges sont d’un confort inusité mais leur moelleux est tel qu’il est nécessaire de s’en extraire avant de sortir de la voiture.
La visibilité générale est assez bonne mais la surface de la lunette arrière laisse par trop à désirer .La climatisation est excellente grâce au toit de toile repliable, à la rampe d’aération placée sous le pare brise et au très simple mais très efficace chauffage. Le système des demi glaces basculantes à l’avant est plus critiquable.
ACCESSOIRES
Il n’est que d’examiner un instant une 2cv pour s’apercevoir de l’inexistence quasi totale de l’équipement général. Seuls un minuscule compteur de vitesse de vélomoteur et une esquisse d’ampèremètre font office d’instruments de bord. Pour le reste, le néant est roi à l’exception d’un avertisseur, de deux essuie glace et d’un rétroviseur. Notons cependant une très pratique tablette vide poche qui occupe toute la largeur de la voiture.
CONCLUSION
La 2cv Citroën est par excellence le prototype idéal de la voiture tous temps et tous terrain destinée à une utilisation à dominante rurale et n’exigeant point de trop longs parcours. Utilisée comme voiture de ville ou de route, elle décevra sans doute alors que sa très grande robustesse mécanique, son très faible prix de revient kilométrique et l’ensemble de ses qualités en font cependant un incomparable instrument de travail
André Costa
QUALITES DE LA 2cv A mod 54
-MOTEUR ROBUSTE, CONSOMMANT PEU ET NE CHAUFFANT PAS
-BOITE DE VITESSE EXTREMEMENT BIEN SYNCHRONISEE
-BON FREINAGE
-BONNE SUSPENSION
-BONNE TENUE DE ROUTE
-SIEGES EXTRÊMEMENT CONFORTABLES ET HABITABILITÉ ASSEZ SATISFAISANTE
-ASSEZ BONNE VISIBILITÉ GÉNÉRALE
-CLIMATISATION EXTRÊMEMENT BIEN ETUDIÉE: DECAPOTABLE ET CHAUFFAGE EN SERIE
-VASTE MALLE A BAGAGES
DEFAUTS
-PUISSANCE INSUFFISANTE EN MONTAGNE
-MOTEUR BRUYANT
-TENDANCE AU TANGUAGE À GRANDE VITESSE ; DIRECTION ASSEZ REVERSIBLE. POSITION DU VOLANT ASSEZ DISCUTABLE
-PARE BRISE UN PEU HAUT ET LUNETTE TROP PETITE
-TOILE DE CAPOTE RELATIVEMENT FRAGILE
-FINITION INEXISTANTE
-EQUIPEMENT GENERAL PRIMITIF
-DELAIS DE LIVRAISON TRÉS LONG